"... la puissance propre de l'enfant"

Je laisse aller pour le moment ces idées, et je reviens à la puissance propre de l'enfant. Il sait explorer par la main ; c'est par là que commencent ses connaissances positives ; mais ces connaissances ne sont aussi qu'une petite partie de son savoir ; il est savant sur le biberon, le hochet, le polichinelle, la poupée, mais que peut-il savoir de la porte du jardin ? Elle s'ouvre à ses cris, comme la caverne d'Ali-Baba s'ouvrait au Sésame ; et il ne sait pas l'ouvrir autrement. Un chat est fort avancé devant une souris, mais il est bête devant une porte. L'enfant aussi sait miauler pour une chose ou pour une autre. Mais ce miaulement même est le premier objet de ses études positives, et aussi le plus trompeur. L'enfant apprend à produire lui-même, et par travail du gosier, toutes sortes de sons ; et son premier ramage n'est autre chose que cette exploration du monde sonore ; et parce que les nourrices sont bien attentives à lui répéter toujours les mêmes miaulements pour le même objet, l'enfant apprend vite à parler ; cette connaissance de l'incantation et des formes de l'incantation précède de loin la connaissance des choses, je dis la connaissance par exploration volontaire. Presque toute la pensée de l'enfant est ainsi occupée d'abord à parler. Savoir, c'est d'abord savoir parler, ne pas se tromper sur les noms. Tous ces noms ont un pouvoir magique, comme j'ai expliqué ; ainsi la magie est naturellement la première connaissance pour tous, sans compter qu'elle est la plus aimée, puisqu'elle représente un pouvoir sur de puissants serviteurs.


Texte Extrait de Préliminaires à la mythologie : mythologie enfantine (1932-1933)