République I [327a-328b] : le prélude


La République s'ouvre sur une scène de comédie où deux promeneurs, Socrate et Glaucon, tentent d'échapper à l'invitation à philosopher que leur propose un groupe d'amis. Outre la suggestion de nombres de thèmes platoniciens, par exemple que les philosophes devront être contraints à gouverner, ce passage sourit de la versatilité de la piété athénienne : c'est pour aller voir un nouveau culte, introduit par les athéniens mêmes qui reprocheront au philosophe de corrompre la jeunesse par ses innovations morales, que Polémarque retient Socrate et son compagnon... 
 

SOCRATE

(327a) J'étais descendu hier au Pirée avec Glaucon, fils d'Ariston, pour prier la déesse et voir, en même temps, de quelle manière on célébrerait la fête qui avait lieu pour la première fois. La pompe des habitants du lieu me parut belle, encore que non moins distinguée fût celle que les Thraces conduisaient. Après avoir fait nos prières et vu la cérémonie, nous revenions vers la ville (327 b) lorsque, nous ayant aperçus de loin sur le chemin du retour, Polémarque, fils de Céphale, ordonna à son petit esclave de courir après nous et de nous prier de l'attendre. L'enfant, tirant mon manteau par derrière : « Polémarque, dit-il, vous prie de l'attendre. » Je me retournai et lui demandai où était son maître : « Il vient derrière moi, dit-il, attendez-le. - Mais nous l'attendrons, dit Glaucon. » 
(337 c) Et peu après Polémarque arriva accompagné d'Adimante, frère de Glaucon, de Nicératos, fils de Nicias et de quelques autres qui revenaient de la pompe. 
Alors Polémarque dit : Vous m'avez l'air, Socrate, de vous en aller et de vous diriger vers la ville. 
Tu ne conjectures pas mal, en effet, répondis-je. 
Eh bien ! reprit-il, vois-tu combien nous sommes ? 
Comment ne le verrais-je pas ? 
(337 d) Ou bien donc, poursuivit-il, vous serez les plus forts, ou vous resterez ici. 
N'y a-t-il pas, dis-je, une autre possibilité : vous persuader qu'il faut nous laisser partir ? 
Est-ce que vous pourriez, répondit-il, persuader des gens qui n'écoutent pas ? 
Nullement, dit Glaucon. 
Donc, rendez-vous compte que nous ne vous écouterons pas. 
(328) Alors Adimante : Ne savez-vous pas, dit-il, qu'une course aux flambeaux aura lieu ce soir, à cheval, en l'honneur de la déesse? 
A cheval ! m'écriai-je, c'est nouveau. Les coureurs, portant des flambeaux, se les passeront et disputeront le prix à cheval ? Est-ce là ce que tu dis ? 
Oui, reprit Polémarque, et en outre on célébrera une fête de nuit qui vaut la peine d'être vue ; nous sortirons après dîner pour assister à cette fête. Nous y rencontrerons plusieurs jeunes gens et nous causerons. (328 b) Mais restez et n'agissez pas autrement. 
Et Glaucon : Il semble, dit-il, que nous devons rester. 
Mais s'il le semble, répondis-je, c'est ainsi qu'il faut faire.