Extrait du livre de René Chiche La désinstruction nationale, Chapitre 12, Les boutons de manchettes, page 186, Ed Ovadia, 2020.
En une trentaine d’années de professorat, je n’ai connu pour ma part que deux gradés qui méritaient leurs galons. C’est peu. Le premier, doyen de l’inspection générale, finit par remettre sa démission au ministre Jean-Pierre Chevènement dont il désapprouvait les reniements : il fut immédiatement remplacé par l’une de ces innombrables créatures dont les alentours de la rue de Grenelle et ses annexes regorgent, très accommodantes et d’autant plus enclines à ramper qu’elles sont dépourvues de colonne vertébrale. Le second, un recteur remarquable qualifié de « meilleur d’entre nous » par ses pairs qui le laissèrent néanmoins tomber dans la tourmente, fut quant à lui limogé par le ministre Gilles de Robien sur la demande du futur candidat à la présidence de la République et encore ministre de l’Intérieur à ce moment, Nicolas Sarkozy, en raison de son intransigeance dans la défense des principes républicains, notamment celui de la laïcité. Le premier s’appelait Jacques Muglioni, le second se nomme Alain Morvan. Leur point commun est de n’avoir jamais cessé de se considérer comme de simples professeurs en dépit des hautes fonctions qu’ils occupaient à titre provisoire. Jacques Muglioni se décrivait volontiers comme « professeur itinérant » tandis qu’Alain Morvan retrouvait, après son limogeage, sa chaire d’enseignement comme sa vraie demeure. Je ne prétends pas que ces deux-là furent les seuls hauts fonctionnaires de ce ministère susceptibles de m’inspirer le plus grand respect, mais je suis certain, pour ce qu’il a été donné d’en connaître directement aussi bien qu’indirectement, qu’ils ne sont pas nombreux.