L'arbitraire des nominations


Nous ne savons pas si ce cours texte sans titre (une page de tapuscrit) constitue le début d’un texte plus long. Il date probablement des débuts de la présidence de François Mitterrand. Le titre est de l’éditeur. 


Version Pdf

La souveraineté s’exerce dans l’établissement des lois et l’organisation générale des pouvoirs publics. Quant au choix des personnes requis pour le fonctionnement des institutions, il ne doit jamais dépendre de l’arbitraire du pouvoir exécutif. Dans un régime républicain, ce choix relève de procédures fixées d’après les règles et les usages en vigueur dans l’institution considérée. Le pouvoir ne peut choisir de façon discrétionnaire un magistrat ou un maître d’école, mais seulement le nommer d’après ces règles. Si le pouvoir politique procède directement aux désignations sans consulter auparavant les instances régulières, il tombe dans un despotisme sans contrôle qui instaure au sein même de l’État un nouvel état de nature. Cette forme, parfois subtile, de banditisme politique est la maladie mortelle d’un régime républicain.

C’est pourquoi un fonctionnaire public cesse d’être astreint au devoir de réserve dès qu’il est dessaisi des prérogatives qui sont attachées à sa fonction. Il est alors fondé à informer ès-qualité le public du désordre qui s’est installé dans l’institution et, en cela, il agit aussi comme simple citoyen exerçant et invitant ses concitoyens à exercer un pouvoir légitime de contrôle.

Quand l’habitude s’est prise de traiter les fonctionnaires comme de simples exécutants du pouvoir politique, c’est la notion même de fonction qui se perd et l’arbitraire de l’exécutif qui envahit toute l’étendue de l’institution. L’obéissance d’un fonctionnaire se limite au cadre de la fonction qu’il exerce. Il doit donc avertir le pouvoir politique des risques que peut faire courir une transgression, c’est-à-dire un abus de pouvoir. Et si l’exécutif est sourd à ses représentations, c’est au public qu’il doit rendre compte des faits relevant du contrôle des citoyens. Si, par exemple, le pouvoir est entièrement passé du côté de conseillers placés au service de l’exécutif et si, dans ces conditions, les décisions sont prises au mépris des fonctions, l’arbitraire corrompt l’État et il n’y a plus de république.

Il est clair depuis longtemps qu’il existe plusieurs socialismes profondément divergents. C’est l’affirmation ou la négation plus ou moins explicite de la forme républicaine de l’État qui fait toute la différence.