Billet n°16 – 1er janvier 1960. Version pdf.
Les pharisiens veulent leur part du tribut payé à César.
Il faut à tout prix qu’ils sauvent leur école privée, car ils n’ont jamais cru au seul pouvoir de la foi. Le maître catholique qui enseigne à l’école de tous et l’enfant catholique qui fréquente l’école de tous sont également suspects à leurs yeux. Comment ne pas trembler pour un sentiment religieux privé de ses tuteurs et de ses censeurs ? Ce sont là des prêtres qui désespèrent de la foi, fils de ceux qui à Jésus réclamaient des miracles pour croire et qui, faute de preuve, se sont détournés de lui, l’abandonnant aux bourreaux. Cette religion n’est qu’une politique puisqu’elle veut exercer sur les hommes un pouvoir temporel. Et le cléricalisme est précisément cette confusion du spirituel et du temporel. Il ne mérite donc qu’un sort politique, c’est-à-dire sans pitié et sans respect.
Mais le christianisme ne tient pas dans ces âmes petites et tordues, comme les appelle Platon. Il est sur les vitraux des cathédrales, ineffaçable. Cet art est universel vraiment et non point par faux titre. Il annonce à tous des temps nouveaux et invite tous les hommes à se connaître semblables. Ni famille ni caste ni Église ne peuvent ici les séparer.
Or cette reconnaissance, c’est l’école des enfants et des hommes. L’école – lieu de loisir, comme dit si bien le mot, abri des jeux nobles et de la seule vraie liberté – accueille tout ce qui est beau et juste, le recueille et le sépare de ce qui ne mérite point d’être, pour en charger les âmes exigeantes. Quoi de plus émouvant que cette égalité devant le vrai, ces regards neufs devant le poème inébranlable ? Tenons cette idée encore : enseigner, c’est délivrer l’esprit et le rendre à ce qui lui ressemble, à sa patrie qui est toute justice et toute vérité ; ce n’est pas consacrer une confession ni une frontière, ni inculquer des croyances qui divisent les hommes. Qu’est-ce qu’une école qui n’est pas universelle et qui n’éveille pas en tous la même foi ?