Alain ne se réduit pas aux Propos sur le bonheur qui sont sans doute son ouvrage le plus lu. Sa philosophie de la volonté est, nous le verrons, inséparable de sa philosophie de la perception. Et c’est à partir de se philosophie de la perception qu’il reprend lui-même la tradition philosophique. Car l’œuvre d’Alain est une reprise avouée de cette tradition ou du moins de quelques grandes œuvres qui en sont à ses yeux les sommets.
Alain ne prétend pas être le premier philosophe, il ne cherche pas à se montrer plus profond que ses prédécesseurs, mais sachant que d’autres avant lui ont compris, il continue dans ses écrits son travail de professeur de philosophie qui consiste à donner accès à cette tradition afin qu’on la poursuivre.
Le texte que je mets en ligne permet déjà de comprendre que nous prétendons voir ce qu’en réalité nous ne voyons pas ; et dans l’exemple de la lune plus grosse à l’horizon qu’au zénith, il y a ceci de remarquable qu’on ne peut expliquer l’illusion par l’effet de la lumière sur la rétine, ou par quelque chose comme une sensation, mais par les mouvements du corps tout entier. Autrement dit, la perception ne peut s’expliquer par l’effet sur les organes des sens de stimuli extérieurs : c’est un phénomène infiniment plus complexe qui met en jeu toute la pensée et tout le corps.
De la même façon nous verrons que l’imagination ne consiste pas à voir des images dans sa tête. La philosophie de l’imagination proposée par Alain est une des choses les plus originales de son œuvre (et elle a beaucoup inspiré Sartre). Elle est inséparable d’une philosophie des beaux arts et de la création artistique, que nous aurons donc aussi à comprendre.